Lucas Hees : Le dessein du dessin / The Aim of the Drawing / Vom Sinn des Zeichnens

 »Il n’y a pas si longtemps que Cézanne, admirateur de la peinture de Monet, trouvait celle de Gauguin stylisée et aplatie au-delà du tolérable ». Rappelant cette opinion, Meyer Schapiro dans un article qu’il consacrait à Fromantin, critique d’art, souligne que Cézanne, loin d’être le fondateur d’une peinture exclusivement vouée aux jeux de formes et de couleurs, est aussi le continuateur d’une tradition française qui  »ne pouvait admettre que l’on ne prît pas pour sujet la réalité familière ». Sous cette exigence nous percevons cependant la recherche d’un ordre et d’une harmonie bien réelle en dépit de la fluctuation des styles et des techniques.

L’Abstraction, en prenant pour seul critère de perfection la cohérence de l’ensemble construit, a imposé un système d’éléments restreints, et finalement terriblement appauvrissant. Le système autoréférentiel mis en place par les avant-gardes successives au XXe siècle n’a fait qu’accentuer jusqu’à la caricature ce phénomène. Parce qu’elle ne se limite pas à produire des fonds ou esquisser des contours, Irina Rotaru, jeune artiste allemande, d’origine roumaine, ne fait rien d’autre que de se placer dans la même tradition que Cézanne. Une tradition vivante, devenue universelle, depuis la fin des écoles et des mouvements propres à chaque pays où l’art occupe une place à part entière.

Ce que cherche Irina Rotaru, ce ne sont pas simplement des formes nouvelles, mais des formes signifiantes. Une nouvelle figuration en quelque sorte qui nous donne à voir le monde tel qu’on le connaît aujourd’hui. Non par la nature cohérente, rationnelle, où chaque objet a une place déterminée mais un monde de particules, d’agrégats comme elle dit elle-même de son dessin, où la croissance et le mouvement se déploient dans une infinité de dimensions. Elle veut rendre visible des concepts qui font que ses dessins doivent être lus autrement […]; tant ils imposent leur présence imparable. Comme un défi lancé, forçant le commentaire à dépasser les contradictions supposées (figuration/abstraction) et les paradoxes reconduits (neutralité/expression), pour s’en tenir à la stricte évidence visuelle d’une dialectique supérieurement résolue.
« L’impact » et la « visceralité » des formes tracées, agrégées, revendiquées par l’artiste (aussi bien dans l’approche du sujet que dans la presque incision du crayon sur le papier, toujours sciemment choisi pour tel dessin ou tel autre) se fondent sur la hauteur d’un enjeu, d’un propos particulièrement lucides, circonscrits au seul dessin et dont les titres révèlent l’ambition.

Quand Irina Rotaru dessine une Danaë, c’est moins la figure mythologique de Danaë qui accapare son trait que les différents éléments et leurs propriétés la consacrant comme telle : la pluie d’or en laquelle Zeus se changea pour pénétrer la terre et le sexe de cette femme. Ainsi dans ce dessin, le trait se fait plus dru (comme on peut dire de la pluie quand elle tombe) que dans un autre pénétrant la ligne qui va en forme de cercle, jusqu’à obtenir une figure du jamais-vu. Puisque tel est l’enjeu du dessin : le jamais-vu. Le dessin d’Irina Rotaru nous rend perceptible une réalité invisible, celle des formes que l’on ne connait pas ou que l’on ne voit pas : le cellule, la particule, le cœur d’une chose ou d’un insecte ou d’une plante ou d’un être, toutes formes vraies, traversées et travaillées de l’intérieur par l’imaginaire de l’artiste et qui sont là pour enrichir (comme l’or le mythe), fertiliser (comme la pluie la terre), féconder (comme l’élément liquide des compositions ‘Homme fontaine’ et ‘Femme fontaine’) le vocabulaire de l’art.

Le rôle de celui ou celle qui donne à voir, c’est d’agiter les regardeurs pour qu’ils saisissent plus de réalité. Le réel est secret, c’est à dire que l’on ne pourra jamais le représenter. Les grands lettrés et les grands mystiques orientaux, particulièrement au Japon (un pays dont l’art musical, pictural – notamment l’Ukiyo-e, n’est pas sans fasciner Irina Rotaru), avaient compris qu’il y a des degrés de lecture. Le dessin d’Irina Rotaru est une manière occidentale de dire la même chose : que l’on ne peut pas vivre d’apparence. Et c’est dans ses dessins que ce dessein est particulièrement visible. Le dessin décape la trivialité du monde des apparences pour atteindre du monde le secret, le cœur, la vulve mère, la cellule souche.

<<L’automatisme>> du geste qui révèle avec justesse dans la tache la forme ou des formes parfois anthropomorphiques est certes le résultat d’une remarquable pratique, quotidienne, <<ascétique>>, mais il est aussi le signe d’une activité qui s’apparente plus à celle du médium, de l’interrogateur, que du peintre par exemple ou du dessinateur dessinant. Il semble qu’Irina Rotaru soit elle-même l’instrument de son œuvre, exploitant à force de passages et de traversées le sentiment d’illustrer un monde caché à nos sens mais tout aussi réel que celui que nous percevons. A cet égard, le dessins intitulé ‘Sans chaise, sans maison, son de cloche’, le plus subtil dans ses épurés, réalisé sur un papier mexicain traditionnellement utilisé pour certains rituels, peut se lire comme la carte à peine suggérée de ce monde caché […].

Le dessin, c’est donc, avant tout, une manière de fixer le mouvement, de figer la forme réellement évocatrice. Le dessin dans son immédiateté est le mieux à même de traduire cette recherche du fonctionnement vrai de la pensée. Dessiner serait comme tracer des signes sur l’eau, tout en saisissant le flux et le reflux du courant (comme le suggère le titre d’une composition : ‘Sous l’eau’). Puis le dessin se défait toute de suite, s’éloigne. Il est comme une image vue en rêve, qui, quand on veut la saisir, s’enfuit. Alors, il faut faire un autre dessin puis un autre […]. C’est une course de vitesse entre la fuite du dessin et de l’autre côté, cet havre du déjà connu, du déjà vu, des idées reçues, ou plutôt de la forma reçue. D’un côté, l’artiste essaie de ramener à la forme reçue (‘Napoli’, ‘Grèce’ 1 et 2), de l’autre, tout est permis puisqu’elle cherche une autre forme, qui serait nouvelle, à la fois surprenante et plus <<ressemblante>> (‘Eos’, ‘Inventer la beauté’).

Irina Rotaru semble jouer avec la longueur des lignes contenues dans un crayon, seul instrument de ses dessins, que la composition ‘Gérontocratie 2’, placée sous le signe de l’infini pourrait symboliser. Un crayon tout neuf va pouvoir dessiner une ligne qui très probablement aura une grande distance. Au terme de cette distance, elle peut déformer, informer ou former. Qui dirige, qui contrôle la forme que l’artiste donne à cette ligne. Elle peut être droite ou passer par toutes les tonalités du dessin depuis que cet art s’est émancipé de l’esquisse et de l’étude. Ou montrer le frénétique de la réalité, la folie de toutes ces réalités superposées dans la verticalité de la feuille, plus haute que large, intégrant la texture même du papier (japonais, mexicain, thaïlandais…), celle de l’homme, de la femme, du fœtus, de la plante, de l’œuf, de l’animal. Le dessin est virtuel, essentiel car il porte l’essence et contient en lui tout.

 

Lucas Hees : The Aim of the Drawing

It has not been so long since Cezanne, admirer of Monet’s pictures, found Gaugin to be over-styled and flat, on the verge of trespassing the line of the tolerable. Meyer Shapiro, considering that view in an article, critique d’art dedicated to Fromantin, insists that Cezanne, far from being the founder of an exclusively « for the eye » – because of its forms and colours –, embodies the very expression of the French tradition according to which « you cannot but make the common reality to your subject ». Starting from this high levelled ambition, we are aware of the acute search for order and harmony, in spite of different styles and techniques.

The abstract, whose sole criteria of perfection is based on the coherence of the entity created, has established a system of limited elements, finally leading to an extrem scarcity of means. This highly self-sufficient system established by successive avantgardes of the 20th century has necessarily lead to an emphasizing of the phenomenon, reaching even levels of caricature. As she goes well out beyond simply putting up backgrounds or sketching contours, Irina Rotaru, young German artist of Romanian origin does nothing else than lining herself up into the very tradition of Cezanne – a living tradition turned universal since the end of different schools and trends caracterizing all societies where art represents a part of life.

What Irina Rotaru is searching for is not merely new forms – she is in search of significant forms. A new kind of perspective which enables us to see the world we are sensing it. Not according to a coherent, rational nature, where each object has its own well-defined place, but a world of waves and particles, of devices – just as she herself speaks about it in her drawings, where growth and movement take the form of endless dimensions. She wants to make concepts visible – that is why her drawings force one’s perception towards something « different » due to the unavoidable impact. It is like a challenge, twisting commentary’s hand so as to surpass imaginable contradictions ( figurative/abstract ) and long established paradoxes ( neutral/expressive ) – and to help keep to the mere visual evidence of a dialectically superior aim. « The impact » and « viscerals » of the forms combined and aimed by the artist ( to be seen both in the way the subject is being subtly treated as well as in the deep cut of the crayon into the paper – carefully chosen ) are being risen to the heights of a fully conscious, entirely lucid aim in works whose titles reveal the ambition.

When Irina Rotaru draws a Danae, it is less the mythological Danae that is dominating her lines but rather the different elements and their characteristics defining her as such : the golden rain into which Zeus changes in order to penetrate the Earth and the sex of the woman. In the same manner, the lines of the drawing become stronger and harder ( as when describing the falling rain ), crossing the cercle-shaped lines towards creating a figure of « jamais-vu ». And this is just the aim of the drawing – the « never seen before ». The drawing of Irina Rotaru helpes us perceive an invisible reality, the one of forms unknown or unseen before : the cell, the particle, the very heart of a thing or insect, of a plant or of a being, all of the extant forms, criss-crossed and elaborated by the artist’s imagination. And they exist serving the artistic vocabulary ( as gold the myth ), to fertilize ( as rain the earth ) or to fecundate it ( as the liquid element in the composition Homme-fontaine and Femme-fontaine ).

The role of he or she who enlightens is to excite the one envisioning, so the latter can enjoy a much large slice of reality. The truth is secret, meaning one can never grasp it. The great oriental minds and mystics, especially those in Japan ( a country whose music and art – first at all the Ukiyo-e has fascinated Irina Rotaru ) had understood that there are different levels of perception. Irina Rotaru’s drawings are the occidental manner of telling the same : you cannot live by appearances. And the drawings bring the message clearly over : they purify the world from the triviality of appearances so it can reach the secret, the heart, the womb, the mother cell.

« The automation » of the gesture, rightly revealing in the spot the form or at times anthropomorphic forms, is certainly the result of remarcable daily, « ascetical » worldly exercise, but ils is also a proof of an activity resembling rather that of an interrogator and diviner than that of a painter or drawing artist. It looks like Irina Rotaru is herself an instrument of her creation, powerfully using passages and crossovers to illustrate the feeling of a world escaping our senses but in no way less real than the one we are experiencing. So that the drawing entitled Sans chaise, sans maison, son de cloche created on an Mexicain paper traditionally used for certain rites, the most subtile in its frugality, can be perceived as a scarcely drawn map of the hidden world and itself like the winding path.

Thus, the drawing is first of all a means of catching the move, of establishing a form indeed inspiring. The drawing is as its best in its intensity as part of the search for the real fonction of the thought. Drawing resembles lines traced on water in keeping with the tide and ebb of the flow ( as suggested by the title of the work Sous l’eau ). After that, the drawing dissolves immediately, disappears. So that a new drawing must be created and then another one. It is like a race against time, between efemerity on the one side and the already known, the déjà-vu, the traditional ideas or established forms on the other side. On the one hand the artist tries to rely on established forms ( Napoli, Greece 1 and 2 ), on the other she ignores limits as she is searching for another form, necessarily new, suprising at times and yet full of expression ( Eos, Inventing beauty ).

Irina Rotaru seems to be playing with the lentgh of the line contained in her only tool, the crayon – as symbolically presented in her composition entitled Gérontocratie 2 – the one being placed under the sign of eternity. A new pen will probably be able to draw a line over an even longer distance. Speaking of distance, it can deform, inform or form. Who leads, who controls the form given by the artist ? It can be straight or can cross all levels of the drawing, starting by the time this art has developed beyon sketches and studies. Or showing the frenzy of life, the crazy interaction of realities over the verticality of the sheet – higher than large, integrating in itself the structure of the paper ( Japanese, Mexican, Thailandese… ), the man, the woman, the phoetus, the plant, the egg, the animal. The drawing is virtual, essentiel, because it carries the essence and embodies everything in it.

Translation of French in English by : Christina Rotaru

 

Lucas Hees : Vom Sinn des Zeichnens

« Es ist noch nicht so lange her, dass Cézanne, Bewunderer der Malerei Monets, die Gemälde Gaugins für über die Massen stylisiert und platt befand ». Indem Meyer Schapiro in seinem Fromantin gewidmeten Artikel critique d’art an diese Meinung erinnert, unterstreicht er, dass Cézanne weit mehr als der Schöpfer einer der Formen und der Farbe gewidmeten Malerei ist, sondern auch der Fortsetzer einer französichen Tradition, die « nicht erlauben konnte, dass das Motiv keiner vertrauten Realität entspräche ». In diesem Sinne, nehmen wir, trotz stilistischer und technischer Schwankungen, ein wirkliches Streben nach Ordnung und Harmonie wahr.

Die Abstraktion, für die als einziges Kriterium der Perfektion die Koherenz der konstruierten Gesamtheit gilt, hat bis zur Verarmung ein System begrenzter Elemente errichtet. Das von den aufeinanderfolgenden Avantgarden des 20ten Jahrhunderts eingerichtete auto-referentielle System hat dieses Phänomen bis zur Karikatur verstärkt. Weil sie sich nicht darauf beschränkt, Hintergründe zu produzieren oder Umrisse zu skizzieren, führt die junge deutsche, in Rumänien geborene Künstlerin Irina Rotaru die Tradition Cézannes weiter. Eine lebendige Tradition, die seit dem Ende der verschiedenen Schulen und Bewegungen in den Ländern, wo Kunst ihren eigenen Platz hat, universel geworden ist.

Was Irina Rotaru sucht, sind nicht nur neue Formen, sondern bedeutende Formen. In gewisser Weise eine neue Figuration, die uns die Welt sehen lässt, wie wir sie heute kennen – nicht durch ihre koherente, rationelle Natur, wo jedes Objekt einen festen Platz hat, sondern eine Welt aus Schwingungen und Partikeln, aus Aggregaten, wo sich, wie sie selbst über ihre Zeichnungen sagt, das Wachstum und die Bewegung in unendlichen Dimensionen entfalten. Sie will Konzepte sichtbar machen, denen zufolge die Zeichnungen anders « gelesen » werden müssen, so sehr setzt sich ihre unaufhaltbare Präsenz durch. Es ist eine Herausforderung, die das Kommentar zwingt, seine angeblichen Widersprüche (Figuration/Abstraktion) und seine daraus verlängerten Paradoxe (Neutralität/Ausdruck) zu überschreiten, um sich ausschliesslich an die strikte visuelle Tatsache einer überlegen gelösten Dialektik zu halten. Die « Auswirkung » und das « Innenleben » der von der Künstlerin entworfenen Formen, sowohl in der Behandlung des Themas, als auch in dem Fast-Einschneiden des Bleistifts in das Papier (je nach Zeichnung wissentlich ausgesucht) basieren auf einem Einsatz, dessen Absicht besonders hellsichichtig ist, eingekreist in Zeichnungen, deren Titel die Ambitionen offenbaren.

Wenn Irina Rotaru eine Danaë zeichnet, so sind ihre Linien weniger der mythologischen Figur der Danaë gewidmet als den verschieden Elementen und ihren Eigenschaften : der goldene Regen, in dem sich Zeus verwandelt, um diese Frau zu durchdringen. So werden die Linien wie bei stark fallendem Regen auch stärker und härter als beispielsweise in einer anderen Zeichnung, wo sie durch das Eindringen in eine kreisende Form eine noch nie gesehene Form erlangen. Denn dies ist das Ziel der Zeichnung : das noch nie Gesehene. Die Zeichnungen von Irina Rotaru lassen uns die unsichtbare Realität wahrnehmen, zu der uns unbekannte Formen gehören, oder solche, die wir nicht sehen können : die Zelle, die Partikel, das Herz einer Sache, eines Insekts, einer Pflanze, eines Wesens – alle wahren Formen, durch die Vorstellungswelt der Künstlerin aus dem Innern durchquert und verarbeitet, und die existieren, um das Kunstvokabular zu bereichern (wie das Gold den Mythos), um fruchtbar zu machen (wie der Regen die Erde) und zu befruchten (wie die flüssigen Elemente in den Zeichnungen Homme-fontaine und Femme-fontaine).

Die Rolle desjenigen, der zum Sehen bewegt, ist den Betrachter zu schütteln, damit dieser mehr von der Realität erfasst. Das Reelle ist geheim, was heissen will, dass man es nie darstellen kann. Die grossen orientalischen Gebildeten und Mystiker, besonders in Japan (ein Land dessen musikalische und graphische Kultur, allem voran das Ukiyo-e, Irina Rotaru faszinieren) haben verstanden, dass es bei einer Lektüre mehrere Stufen gibt. Die Zeichnungen Irina Rotarus sind eine westliche Art, dasselbe zu sagen : dass man nicht vom Anschein leben kann. Und eben in ihren Zeichnungen wird dieser Sinn besonders deutlich. Die Zeichnung reinigt die Trivialität der Scheinwelt, um in dieser Welt das Geheimnis, das Herz, die Muttervulva, die Stammzelle zu erreichen.

Der « Automatismus » der Geste, die mit natürlicher Genauigkeit im Fleck Bilder oder anthropomorphische Formen offenbart, ist sicherlich das Ergebnis einer bemerkenswerter täglichen, asketischen Arbeit, aber auch das Zeichen einer Aktivität, die eher dem Medium, dem Fragenden ähnelt als beispielsweise dem Maler oder dem zeichnenden Zeichner. Es scheint, als sei Irina Rotaru selbst das Instrument ihres Werkes, während sie das Gefühl hervorruft, beim Übergehen und Durchdringen, eine unseren Sinnen versteckte Welt zu veranschaulichen – eine Welt, die nichtsdestoweniger so real ist wie die, die wir wahrnehmen. In dieser Hinsicht kann die Zeichnung Sans chaise, sans maison, son de cloches, die subtilste ihrer minimalistischeren Arbeiten, auf traditionellem mexikanischem, für bestimmte Rituale verwendetem Papier, wie eine kaum suggerierte Karte dieser versteckten Welt gelesen werden.

Die Zeichnung ist also an erster Stelle ein Mittel, um die Bewegung zu fixieren und die wirklich evokative Form festzuhalten. Das Zeichnen kann durch seine Unmittelbarkeit am besten die Suche nach der wirklichen Funktion des Denkens übersetzen. Zeichnen ist, wie Linien auf dem Wasser zu ziehen, Ebbe und Flut des Stromes erfassend (wie es der Titel Sous l’eau beschreibt). Daraufhin löst sich die Zeichnung sofort auf, entflieht. Also muss eine neue entstehen, und dann wieder eine neue… es ist ein Wettlauf zwischen dem Entfliehen der Zeichnung auf der einen Seite und diesem Hafen des schon Bekannten, des schon Gesehenen, der althergebrachten Ideen und überreichten Form auf der anderen Seite. Einerseites versucht die Künstlerin zu jener überreichten Form zu leiten (Napoli, Grèce 2), andererseits ist alles erlaubt, da sie eine andere Form sucht, eine neue, sowohl überraschend als auch ähnelnd (Eos, Inventer la Beauté).

Irina Rotaru scheint mit den Längen der im Bleistift enthaltenen Linien zu spielen, was durch die Komposition Gérontocratie, die dem Unendlichkeitszeichen entspringt, symbolisiert werden kann. Ein neuer Bleistift wird eine, mit grosser Wahrscheinlichkeit sehr weitreichende Linie zeichen können. Wer steuert, wer kontrolliert die Form, die die Künstlerin dieser Linie gibt ? Sie kann gerade sein sowie alle Tonalitäten des Zeichnens durchqueren, seitdem diese Kunst sich von der Skizze und der Studie befreit hat. Oder sie kann die frenetische Realität zeigen, die Verrücktheit all dieser überreinanderliegenden Realitäten in der Vertikalität eines Papiers, wobei die Textur selbst des Papiers (japanisch, mexikanisch, thaïländisch…) miteinbezogen wird und mit ihr die des Mannes, der Frau, des Foetus, der Pflanze, des Eies, des Tieres… Die Zeichnung ist virtuel, essentiell, denn sie trägt die Essenz in sich und beinhaltet alles.